Stratigraphie -
la série jurassique à éocène (suite)
2.2.
La série néritique antéflysch
Dans le secteur central d'Amorgos s'observe le passage de la formation
d'origine pélagique de Khozoviotissa à une puissante série de calcaires en
bancs épais à massifs, dépourvus de lits siliceux, formant le faîte de l'île
et culminant au mont Prophitis Ilias: "Kammkalke" de C. RENZ.
Il n'existe pas une telle continuité dans le secteur oriental où les
calcaires à lits siliceux ne sont pas représentés; seule affleure - pour ce
qui est des terrains carbonatés - une série très épaisse de marbres
renfermant des bauxites.
A l'inverse, dans le secteur occidental, les terrains situés
stratigraphiquement au-dessus de la Formation de Khozoviotissa ont une extension
très réduite, et n'intéressent sans doute que la base de la série
correspondante.
2.2.1. Le
secteur central
2.2.1.1. Coupe du col de
Kapsala à Asphodilitis et au-delà (fig.
41)
Les calcaires en plaquettes à bandes siliceuses qui surmontent les
terrains triasiques passent à des marbres gris clair dolomitisés (dolomie
secondaire diffuse en cristaux losangiques) à stratification fruste (environ 20
m), suivie d'une série monotone de brèches calcaires (au moins 200 m d'épaisseur),
soit massives, soit en bancs épais.
Les éléments de ces brèches, en général plus sombres que la matrice
également carbonatée, sont de tailles variées (jusqu'à 20 cm de longueur) et
présentent un allongement tectonique (suivant la direction N 150); d'où leur
forme en fuseau suivant les sections parallèles à cette direction, alors qu'en
coupe perpendiculaire, leur trace est elliptique.
La plupart des éléments sont à grain grossier, mais vers le sommet de
la série, on peut observer des clastes de calcaire
micritique blanchâtre veiné de calcite spathique; cette micrite abonde
en organismes recristallisés et non identifiables.
Il existe au sein de ces brèches de nombreuses passées/intercalations
de caractère non détritique, montrant des fantômes de macrofossiles se réduisant
souvent à de vagues taches blanchâtres. Parfois cependant la structure n'est
pas effacée; c'est ainsi qu'a pu être identifiée une colonie d'individus
d'assez grande taille, découverte un peu à l'Est du village d'Asphodilitis,
sur le chemin d'Aiyiali (échantillon LM. 322). D'après J. PHILIP, cet échantillon
"montre un Rudiste à structure celluleuse incontestable, en sections
radiale et transversale. Il s'agit d'une forme appartenant aux Radiolitidae
GRAY dont les planchers de croissance sont très redressés sur l'axe de la coquille, et très régulièrement
espacés".
Aucun Rudiste n'avait été signalé jusqu'à présent à Amorgos.
A la partie tout à fait supérieure de la série, on remarque
l'apparition de rognons siliceux épars, plus ou moins allongés; formés de
quartz microcristallin, ils ne se présentent jamais en lits continus.
Puis viennent quelques bancs peu épais (10 à 50 cm) de marbres plus
sombres, non bréchiques, renfermant des petits grains de quartz.
Ils sont surmontés brutalement par une formation terrigène, constituée
dans les premiers mètres d'argiles brunes intercalées de calcaire gris sombre
à grain assez fin, en lits discontinus.
Le contact entre la série carbonatée à Rudistes et les terrains détritiques
sus-jacents peut se suivre le long du chemin d'Asphodilitis à Potamos, dont il
s'écarte peu, s'abaissant en pente douce vers le Nord-Est. A Ayios Mamas, il
est particulièrement net (fig. 42): les bancs peu épais de calcaire sombre
affleurent en grandes dalles inclinées de 25° vers le Sud-Est; à la surface
de l'avant-dernier banc, nous avons pu observer des traces d'organismes très
recristallisés, mais dont certains laissent encore voir une structure de type
concentrique (jusqu'à 2,5 cm pour le plus grand diamètre) (fig.43).
Selon A. BLONDEAU, il s'agit très probablement de Nummulitidae
(genres Nummulites ou Assilina); ils correspondent
vraisemblablement aux "Nummulites" signalées par S. DÜRR.
Remarque: dans des marbres à l'Est de Peristeri ont été trouvées
d'autres colonies d'organismes, également étudiées par J. PHILIP; échantillon
LM. 584: "Bien qu'étirées et déformées, les sections ont une allure générale
circulaire ou ovalaire qui rappelle des sections de valves inférieures de
Rudistes; des fantômes de structure celluleuse semblent apparaître dans une
lame; il pourrait s'agir de Radiolitidae"; échantillon LM. 559
(individus très nombreux): "Rudistes
possibles; es sections sont très déformées et toute structure est effacée
par la recristallisation".
2.2.1.2. Flanc occidental du
mont Prophitis Ilias
Le flanc occidental du mont Prophitis Ilias, au-dessus du chemin d'Ayia
Varvara à Lelis, est constitué de brèches calcaires identiques à celles de
la coupe précédente; les éléments ont en général une texture grenue;
cependant on trouve de rares galets de nature micritique dont un nous a livré
un microfossile très mal conservé, mais que E. FOURCADE a pu déterminer avec
une certaine précision; il s'agit d'un "Foraminifère (benthique) de la
sous-famille Rhapydionininae évoquant les genres Rhapydionina ou Murciella"
(fig. 44).
2.2.1.3. Age des
"calcaires de la crête" du secteur central
+ Niveaux à Rudistes et galets micritiques:
Pour J. PHILIP, "la dominance des Radiolitidés, leur grande taille,
incitent à exclure le Crétacé inférieur au profit du Crétacé supérieur".
Quant au galet micritique récolté au Prophitis Ilias, il peut être attribué
au Sénonien supérieur (Campanien-Maestrichtien) (E. FOURCADE); l'âge de la brèche
qui le renferme est donc plus récent.
Ainsi est prouvée
l'appartenance qu Crétacé supérieur d'une partie (au moins) des
"calcaires de la crête" de C. RENZ.
+ Age du sommet de la série carbonatée:
Bien que les Foraminifères rencontrés à la partie tout à fait supérieure
de la série carbonatée (Nummulites ou Assilina) ne puissent être
déterminés spécifiquement, leur grande taille peut fournir des indications
chronostratigraphiques. En effet, les Nummulitidés de grande taille (plus de 2
cm de diamètre pour les formes microsphériques) apparaissent à la partie supérieure
de l'Eocène inférieur (Cuisien) (A. BLONDEAU, 1972); par ailleurs ils caractérisent,
dans les séries carbonatées de Grèce, l'Eocène moyen (J. AUBOUIN & M.
NEUMANN, 1959; J.J. FLEURY, 1980).
A Ayios Mamas, le passage à la série détritique sus-jacente (nous
verrons qu'on peut l'attribuer à un métaflysch) se produit donc
vraisemblablement à l'Eocène moyen.
Cette hypothèse est d'une importance capitale pour l'attribution de la série
d'Amorgos à l'une des zones isopiques des Hellénides (point que nous
discuterons dans les conclusions relatives à la stratigraphie).
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